Aubusson

 

Tapisserie d’Aubusson tissée par l’atelier Goubely.
1940.

 

 

 

L’Œuvre tissée de Gromaire est modeste :  11 cartons, conçus entre 1938 et 1944, la plupart à Aubusson même. « Ses constructions rigoureuses, ses simplifications, son goût de la grande composition et des grandes idées fondamentales, sa science de coloriste et pour tout résumer sa suprême qualité de maître et d’ouvrier, tout cela devait faire de lui un des plus parfaits tapissiers de son temps », pourra dire Jean Cassou (Cat. Expo. Marcel Gromaire, Paris, Musée National d’art moderne, 1963).

C’est Guillaume Janneau, à la tête du Mobilier National , qui fait appel à lui en 1938, persuadé que son style (simplification des formes, dessin géométrique cerné de noirs, influence du cubisme, palette limitée …) répondra  avantageusement aux problèmes esthétiques nouveaux que doit résoudre la tapisserie pour renaître (gammes de couleurs simplifiées, cartons synthétiques,…) : d’abord avec une commande sur le thème des quatre éléments, suivie d’une autre (« les Saisons »), destinée à être exécutée à Aubusson. Gromaire, en 1940 y rejoint Lurçat et Dubreuil. Travaillant seul, méticuleusement (de nombreux dessins sont préparatoires au carton, peint, et non numéroté comme chez Lurçat), en étroite collaboration avec Suzanne Goubely, qui tissera tous ses cartons, il passe 4 ans à Aubusson, vouant toutes ses forces créatives à la tapisserie. A l’issue de la guerre, il quitte la Creuse, et ne réalisera plus de cartons, laissant à Lurçat la place de grand initiateur du renouveau de la tapisserie.

 

« Aubusson» est l’un des 5 cartons conçus par Gromaire pour l’atelier Goubely pendant la Guerre , et il est emblématique de son style « en vitrail », foisonnant et géométrisé. Et si l’on reconnaît quelques-uns des monuments emblématiques d’Aubusson (la tour de l’horloge, l’église Ste-Croix…), que découvre alors Gromaire, la ville apparaît  comme à l’étroit, dans une nature rude et farouche (à laquelle l’artiste s’est montré particulièrement sensible, comme en témoignent ses nombreux dessins) faite de falaises et de cours d’eau tumultueux.
De façon intéressante, un exemplaire, retissé en 1960, a figuré sur le paquebot « France », seule tapisserie dont la conception est antérieure à la commande du décor ; quel meilleur symbole de ce qu’un medium (la tapisserie), et un sujet (la terre de France, ses paysages, ses terroirs), vecteurs de traditions, pouvaient simultanément incarner la modernité que portaient le « style France » (Bruno Foucart), et le paquebot « France » lui-même.

 

 

Bibliographie :
Le Point, Aubusson et la renaissance de la tapisserie, mars 1946, ill.
Formes et couleurs, n°5-6, 1942, ill.
L’amour de l’art, la tapisserie Française, 1946, ill. p.185
Jean Lurçat, Tapisserie française, Bordas, 1947
J. Cassou, M. Damain, R. Moutard-Uldry, la tapisserie française et les peintres cartonniers, Tel, 1957
Colloque, Jean Lurçat et la renaissance de la tapisserie à Aubusson, Aubusson, Musée départemental de la tapisserie, 1992
Cat. Expo. Jean Lurçat, compagnons de route et passants considérables, Eglise  de Felletin, 1992, ill. p. 25 (et détail en couverture)
Cat. Expo., Gromaire, œuvre tissée, Aubusson, Musée de la tapisserie, 1995, ill. p. 53 (et en couverture)
Cat. Expo. La manufacture des Gobelins dans la première moitié du XXe siècle, Beauvais, Galerie nationale de la tapisserie, 1999
Armelle Bouchet Mazas, le paquebot France, Paris, 2006, ill. p.67
Aubusson, Cité internationale de la tapisserie, guide du visiteur, 2016, ill.p.57